elm
Imaginez une banquise chaleureuse et bigarrée Ce premier disque du groupe elm est dune glaciale mélancolie fondante de rythmes chauds, de sons lumineux dont on senveloppe comme dun châle et qui réchauffe. Leurs chansons sirradient lentement et vous transissent dans un abandon mi clos, mi dansant.
elm, cest avant tout Elodie et Manuel. Mlle Ozane, Elodie, elle a un archet et puis elle danse autour de son violoncelle, mais alors avec une voix intime au timbre enfantin qui fait la moue, et de grands yeux qui vous regardent tout droit. Elle a ce souffle qui enveloppe son chant et donne la vie, la présence aux paroles, comme une matière de mémoire et démotivité que chaque chanson tisse.
Il y a dabord ce piano, ou cet orgue qui impose, lentement, son pas obsédant, son amble discret, à lécoute de ses compagnons sonores, mais doucement autoritaire. Dans le fonds sourd une basse autiste, balance ondulatoire qui avance, inévitable. Simposent, seffacent puis reviennent des percussions millimétrées ; viennent, aux heurs de chaque chanson, la guitare, dautres orgues, les clarinettes, le hautbois, lharmonica, multiples et à point nommé, nécessaires. Car il sagit toujours dune histoire quelm chante, dont chaque note est une cellule Et de se lover dans cette tendre voix, dans ce belvédère de voix juchée toute espiègle sur ces épaules de notes.
Ainsi " silence " ou " night buses ", où lémotion est conduite jusquà son épuisement et que la chanson semble venir expirer sur la grève de vos lobes, avant de reprendre un second souffle inespéré, relayée dun nouvel instrument séquilibrant sur un tempo changé pour venir enfin conclure dune belle révérence qui, après avoir paru sêtre donnée indécente, reprend les distances du sourire qui ne se livre pas Ou bien encore lhumour irrité de " mes occupations " qui hypnotise Chaque chanson delm est une petite vie, et tout leur album palpite, po-pom po-pom, oui, ce disque est vivant et vous savez comme cest rare ! Si chaque chanson delm était une pièce dans une bâtisse démotions aux dédales de tendresse, vous vous retrouveriez a chaque écoute transporté au centre de cette pièce, debout, interdit comme dans un charme, le sourire aux yeux, les lèvres tristes, regardant défiler par les fenêtres ouvertes des nuages multicolores de sons mystérieux. Les parois sont tramées de temps, le sol est carrelé dintériorité embuée et le plafond est de poésie. elm nous raconte des histoires en temps réel où le fugitif et linsaisissable se déplient enfin en de longues minutes de bonheur.
Dans cette grande maison isolée autour de ces mornes cités de musique préformachée, vous vous retrouverez probablement nez a nez avec dautres visiteurs enchantés qui sy promènent, en lévitation sur le chant dElodie: Margueritte Duras et Harold Pinter marchent en se tenant la main et Jean Cocteau, à force dattente, est enfin arrivé a embrasser furtivement Henri Michaux sur la bouche, mais Shakespeare sen fout...
Par delà le secret envoûtant de chaque titre, le secret dartiste de ce disque est son unité organique, rendue par la délicatesse de larrangement dont soccupe Manuel, qui compose aussi la musique. Manuel Bienvenu, le bien nommé, pianiste mais dabord musicien. La diversité et loriginalité du choix des instruments, la vrille du traitement sonore, la basse de fond et linventivité des percussions, subtilement assurées par Benoît Burello, sont simplement irrésistibles, et la fraîcheur de ce premier album nest jamais altérée par les errements de lamateurisme: elm sait ce quil veut, et chaque chanson résulte dune visée désirée et construite quépouse le toucher de chaque musicien. Et si vous naimez pas elm, dommage, ou plutôt trop tard... Ce nest pas en jetant leur disque, à la dérobée, que vous vous en débarrasserez: car il y a de ces tournicotis de mélodies qui sentortillent dans loreille et que vous naurez pas fini de débobiner des semaines plus tard. elm ça reste. elm cest entêtant. Mais elm cest apaisant. Ce disque delm possède cette petite magie qui appelle lécoute en boucle et génère les remerciements.